1. Introduction
Le traitement de l'eau d'appoint d'une chaudière vapeur va jouer plusieurs rôles :
Éviter les dépôts (calcaire ou autre) dans la chaudière.
Protéger la chaudière contre une éventuelle corrosion.
Diminuer les purges chaudières inhérentes à la production de vapeur.
Garantir la qualité de la vapeur envoyée dans le réseau.
Les différents systèmes disponibles seront plus ou moins efficaces sur ces différents aspects et auront un coût qui entrera également en ligne de compte dans le choix final.
2. Qualité de l'eau d'appoint : les paramètres importants et leur influence
La dureté :
Influence majeure : formation de calcaire sur les tubes de la chaudière.
Impact énergétique : diminution de l'échange thermique et risque de surchauffes locales des tubes (avec un risque de fragilisation de l'acier à ces endroits).
Origine | Quantification | Chiffres types | Moyen de lutte |
Ions calcium et magnésium de l'eau | Degré Français (°F) | Eau dure : >20°F Eau douce : <10°F Valeur cible : 0°F | Adoucisseur Agents chimiques |
La salinité :
Influence majeure : les sels vont s'accumuler dans la chaudière et vont devoir être éliminés par une purge de déconcentration afin d'éviter le primage (explications ci-dessous).
Impact énergétique : perte de chaleur qui se fait au niveau de la purge.
Origine | Quantification | Chiffres types | Moyen de lutte |
Ensemble de sels naturellement présents dans l'eau | Conductivité (µS/cm), image de la salinité (1µs/cm=0.7mg/l de sels totaux) | Eau chargée : 1000µS Eau classique : 400µS Valeur idéale : la plus basse possible | Déminéralisation Osmoseur en amont Purge de déconcentration de la chaudière |
Si la concentration en sels est trop élevée dans la chaudière, on va assister à une formation de mousse à la surface de l'eau, cette mousse, une fois qu'elle est emportée avec la vapeur risque de corroder le réseau. C'est le phénomène de primage chimique.
Le primage mécanique est un phénomène d'emportement de l'eau de chaudière quand celle-ci entre en ébullition trop importante lors d'une baisse brutale de pression par exemple.
Le fer :
Influence majeure : formation de dépôts et de boue à éliminer par une purge « de fond »
Impact énergétique : perte de chaleur qui se fait au niveau de la purge.
Origine | Quantification | Chiffres types | Moyen de lutte |
Contamination par les sols traversés | Volumétrique (ppm) | Valeur cible : <0.5 ppm | Déferisation en amont Purge de désembouage |
La silice :
Influence majeure : dépôts durs qui vitrifient sur les tubes de la chaudière et très difficiles voire impossible à éliminer.
Dans les installations équipées de turbines vapeur, le contrôle du taux de silice permet d'éviter des risques de vitrification sur la turbine.
Origine | Quantification | Chiffre type | Moyen de lutte |
Contamination par les sols traversés | Volumétrique (ppm) | Valeur cible < 200 mg/litre de SiO 2 dans les eaux de chaudière | Purge Déminéralisation Osmose |
Gaz dissous (O 2 , CO 2 ) :
Influence majeure :
O 2 : risque de corrosion de la chaudière. Une fois neutralisé chimiquement, il va former un dépôt qui doit être éliminé via une purge.
CO 2 : Risque de corrosion des tuyauteries de retour condensats (formation d'acide carbonique).
Impact énergétique : perte de chaleur par les moyens de lutte mis en œuvre
Origine | Quantification | Chiffres types | Moyen de lutte |
Présents naturellement dans l'eau et diminuant avec la température | Volumétrique (ppm ou ppb)
| Valeur cible : 0 ppm Chiffres théoriques : 10 ppm à 15°C 2.3 ppm à 85°C 0 ppm à 100°C | Chimique (via un réducteur d'oxygène) Bâche atmosphérique maintenue à température Dégazeur thermique |
L'acidité :
Influence majeure : risques de corrosion existent pour des valeurs de pH situées en deçà de 10 et au-delà de 12 pour l'eau de chaudière.
Origine | Quantification | Chiffres types | Moyen de lutte |
Fonction de l'eau d'appoint et des traitements appliqués | pH | Valeur cible : entre 10 et 12 pour l'eau de chaudière | Traitement chimique (Soude) |
3. Réseau de vapeur : les paramètres importants et leur influence
Taux de retour condensats :
Les appoints en eau seront directement proportionnels à la part de vapeur revenant à la chaudière sous forme de condensats. Plus le taux de retour sera bas, plus il faudra faire d'appoint en eau et donc plus le traitement aura un rôle important.
Débit de vapeur :
Le débit de vapeur, couplé au taux de retour condensat, va influencer les quantités éventuelles d'eau à devoir ajouter dans le circuit (pour compenser entre autre les purges, injection directe de vapeur dans les procédés, pertes...).
4. Focus énergétique : lien entre les purges et le traitement d'eau
Les purges effectuées à la chaudière se font habituellement à deux niveaux :
Au niveau haut pour les purges de déconcentration
Au niveau bas pour les purges de désembouage.
Purges de déconcentration chaudière :
Problème liés :
Primage chimique : une concentration élevée en sels dissous favorise le primage.
Pertes d'énergie lors de la purge.
Solutions techniques :
Purge manuelle sur base empirique dépendant de l'historique de l'installation.
Purge automatique via une sonde de conductivité dans la chaudière.
Réduire au maximum le taux de sels dissous en amont dans l'eau d'appoint de la chaudière (voir traitements possibles ci-dessus).
Purges de désembouage chaudière :
Problème liés :
Dépôt à évacuer.
Pertes d'énergie lors de la purge.
Solutions techniques :
Purge manuelle sur base empirique dépendant de l'historique de l'installation.
Purge automatique via horloge.
Réduction du taux de purge via le traitement de l'eau d'appoint qui peut réduire la part d'impuretés susceptibles de rester en suspension dans l'eau et la concentration en sels dissous.
Purges des condensats :
Théoriquement la vapeur est exempte de contaminants en sortie de chaudière, donc les condensats qui y reviennent sont censés être purs. Le but de cette purge est de prévenir une pollution des condensats par un éventuel problème présent sur le réseau (échangeur percé par exemple).
Le contrôle est généralement fait par une sonde de mesure de conductivité des condensats. En cas de pollution, la conductivité sera sensiblement augmentée et, à partir d'un certain niveau, les condensats devront être purgés afin d'éviter de charger la chaudière en contaminants.
5. Guide de choix des équipements de Traitement d'eau
Les principaux traitements possibles pour amener l'eau d'alimentation du réseau de vapeur dans des valeurs correctes sont :
Traitements de base possibles:
L'adoucisseur (résine échangeuse d'ions) :
Principe de fonctionnement : échange des ions calcium et magnésium de l'eau par des ions sodium. Un adoucisseur est toujours nécessaire afin d'amener l'eau d'appoint à une dureté nulle.
Principaux avantages : technologie éprouvée, coûts d'installation et d'utilisation raisonnables (utilisation d'eau et de sel NaCl pour la régénération des résines, maintenance annuelle).
Principaux inconvénients : ne traite que la dureté de l'eau, ne réduit pas la salinité de l'eau.
Notons qu'il existe plusieurs types d'adoucisseur (P. ex. Régénération de bas en haut ou de haut en bas) et que suivant le types d'adoucisseur, les consommations de sel peuvent varier de 17 à 26 g/°F.
La déminéralisation :
Principe de fonctionnement : élimination complète des minéraux de l'eau par utilisation de résines échangeuses d'ions, ce qui amène la dureté et la salinité de l'eau à une valeur nulle.
Principaux avantages : installation fiable qui produit une eau de bonne qualité.
Principaux désavantages : pour neutraliser les effluents, utilisation d'acide et de soude délicats d'un point de vue sécurité et environnemental. Pour un traitement 24h/24, il est nécessaire d'investir dans deux déminéralisations pour cause de régénération.
L'osmose inverse :
Principe de fonctionnement : filtration de l'eau au travers de membranes qui ne laissent passer que les molécules d'eau. En réalité, la membrane est semi-perméable et retient entre 98 et 99% des sels minéraux.
Dans les cas où la conductivité doit être inférieure à 10 µS, l'osmose inverse ne suffit pas, il est alors nécessaire d'investir dans une électro-déminéralisation (appelée EDI).
Principaux avantages : donne une eau chimiquement pure en sortie d'osmoseur et possibilité de fonctionnement en continu.
Principaux inconvénients :
Coût d'utilisation : pompe ; consommation d'eau perdue ; possibilité de colmatage des membranes (reste de dureté, matières en suspension...) ; les membranes ont une durée de vie limitée (5 ans en moyenne) et un coût de remplacement à budgéter.
Nécessite l'installation d'un adoucisseur et éventuellement d'une filtration en amont.
La consommation d'eau en déminéralisation et en osmose inverse est sensiblement équivalente.
En complément aux trois traitements ci-dessus :
Traitement chimique :
Principe de fonctionnement : ajout de produits chimiques de traitement qui vont lutter contre les impuretés présentes dans l'eau.
Principal avantage : coût d'installation faible (pompe doseuse).
Principaux inconvénients : limitation technique (rarement suffisant comme traitement), coût des produits de traitement.
Remarques :
Le traitement chimique peut lutter contre la dureté de l'eau mais à très faible dose, il est donc uniquement efficace en cas de léger dysfonctionnement du traitement de base.
Le traitement chimique a également d'autres rôles (lutte contre une pollution des condensats, contre l'oxygène dissous, le primage...).
Dégazage via une bâche atmosphérique ou via un dégazeur :
Dégazeur :
Principe de fonctionnement : l'eau d'appoint est chauffée par de la vapeur à une température de 105°C (donc sous une pression de 0.2 bar). A cette pression, le taux en oxygène dissous est théoriquement de 0 ppm.
Principaux avantages: amène théoriquement le taux en O 2 dissous à la valeur de 0 ppm. Dans la pratique, le taux en O 2 reste de l'ordre de 20 à 40 ppb et nécessite dont l'ajout d'un produit de neutralisation de l'oxygène (généralement des sulfites).
Principaux inconvénients : coût d'installation, consomme de la vapeur dont une partie de l'énergie est perdue par la mise à l'air du dégazeur.
Bâche atmosphérique (maintenue à 85°C) :
Principe de fonctionnement : la bâche fait partie de l'équipement de base d'un réseau de vapeur, l'eau d'appoint y est directement injectée. En la maintenant à 85°C, le taux en O 2 dissous est de l'ordre de 2.2 ppm.
Remarque : une température supérieure n'est pas souhaitable car elle risquerait d'entraîner de la cavitation au niveau de la pompe de remplissage de la chaudière.
Principaux avantages : perte énergétique réduite par rapport au dégazeur thermique, coût d'installation plus faible (simple réservoir isolé).
Principaux inconvénients : ne réduit pas complètement l'O 2 dissous, celui-ci doit être traité par un produit de neutralisation (sulfites)
6. Paramètres de dimensionnement des équipements de traitement d'eau
Pour pouvoir déterminer le meilleur choix à faire en termes de traitement d'eau, les paramètres doivent impérativement être pris en compte:
Pour l'eau d'appoint dans le circuit :
La conductivité (directement proportionnelle à la salinité).
La dureté (qui devra être éliminée complètement).
La présence éventuelle de silice (dont le taux en chaudière doit être limité).
Pour le réseau de vapeur :
Le débit de vapeur.
Le taux de retour condensat.
La conductivité maximale admissible dans la chaudière.
Ces paramètres vont permettre de déterminer la quantité d'eau à devoir traiter ainsi que les quantités théoriques des purges chaudières.
En fonction de ces quantités, les systèmes étudiés pourront être dimensionnés. Par la suite une analyse technico-économique permettra de sélectionner la solution la plus appropriée.
7. Sources
Ashland Water Technologies, et plus particulièrement Mr Jean-Jacques Schmitz (illustrations, conseils et relecture).
The Steam and Condensate Loop : Spirax-Sarco.
Merci également à Luc Selder (Selliacc) pour sa relecture.