ISO 50001 ?
Parmi les outils pouvant contribuer à l'atteinte de ces objectifs, on retrouve assurément l'ISO 50001. Il s'agit d'une norme qui, à l'instar de l'ISO 14001 pour l'environnement ou de l'ISO 9001 pour la qualité, propose un cadre aux entreprises pour la mise en place d'une politique de gestion de l'énergie. Le but de l'ISO 50001 est d'aider l'entreprise à diminuer durablement ses consommations d'énergie et, par conséquent, ses émissions de CO 2 , grâce à une approche systémique qui implique tous les acteurs et tous les niveaux de l'organisme.
ISO 50001 existe depuis 2011 et vient de connaître, en 2018, une mise à jour importante. Elle est proposée par l'Organisation internationale de normalisation , qui rassemble 163 pays et émet des normes dans des domaines extrêmement variés (on recense à son actif près de 20 000 normes à ce jour) dont sont responsables une kyrielle de Comités techniques spécialisés.
La norme ISO 50001 connaît un succès croissant depuis son lancement. Ainsi, en 2016, ce sont plus de 20 000 entreprises qui, à travers le monde, ont été certifiées ISO 50001 , soit une croissance de plus de 70 % par rapport à l'année précédente. Si certains pays, notamment en Europe, comptent parmi les ténors en termes de certification ISO 50001 (Allemagne, France, notamment), en Belgique aussi, la norme fait son chemin et suscite de plus en plus d'intérêt. Des entreprises importantes sont désormais certifiées : Chaudfontaine, Carrefour, Brussels Airport, Lidl, Galère S.A., pour n'en citer que quelques-unes.
Il est important de préciser que, comme de nombreuses normes ISO, ISO 50001 laisse une grande marge de manœuvre aux organismes qui décident de se préparer à la certification. Ainsi, c'est à l'entreprise de décider, en accord avec le certificateur, sur quelle partie de son activité ou de son site, portera la certification. Cet élément sera d'ailleurs clairement mentionné sur le certificat. De même, une grande liberté est laissée quant aux objectifs chiffrés que va s'assigner l'entreprise. Enfin, ISO 50001 n'impose rien quant à la manière détaillée dont l'entreprise doit mettre en œuvre les différents prescrits de la norme : c'est à l'organisme, en fonction de ses contraintes, de ses moyens, de sa taille, etc., d'identifier les actions qu'elle va mettre en place pour répondre aux obligations de la norme. Cette souplesse dans la mise en œuvre et dans la définition des objectifs est assurément un des atouts de la démarche : chaque entreprise, chaque organisme qui le souhaite peut, quels que soient sa situation de départ ou ses moyens, se lancer dans la certification ISO 50001. La norme n'est donc pas uniquement destinée aux industries, mais à tout organisme (administration, université, entreprise du secteur tertiaire, aéroport,...) qui souhaite mettre en place une politique de gestion de l'énergie (ndlr : dans le présent article, on parlera indifféremment d' « entreprise » ou d' « organisme »).
L'amélioration continue, au cœur de l'ISO 50001
Mais, dans ces conditions, sur quoi va porter l'évaluation ? Comment le certificateur va-t-il pouvoir estimer si l'entreprise peut ou non être certifiée ISO 50001 ? En réalité, comme pour de nombreuses normes ISO (9001, 14001,...), l'ISO 50001 repose sur le principe de l'amélioration continue. Ce que le certificateur va évaluer, ce n'est pas tant si telle réduction « imposée » des consommations est atteinte ou si telle liste d'actions « obligatoires » est réalisée, mais bien si l'organisme s'inscrit dans cette démarche d'amélioration continue, si un progrès est à l'œuvre, année après année, dans la mise en place d'une politique de gestion de l'énergie, si l'organisme est bien de plus en plus performant dans la mise en œuvre de sa politique énergétique.
Cette « politique de gestion de l'énergie », l'ISO 50001 la décrit relativement bien. A défaut de proposer des listes d'actions toutes faites (qui, forcément, ne pourraient pas correspondre à tous les organismes visés par la norme !), la norme édicte un cadre précis de ce que signifie le management de l'énergie. Cela recouvre notamment :
l'engagement fort et la responsabilité du management
la constitution d'une équipe de gestion de l'énergie
la réalisation d'un audit énergétique global
la sensibilisation de l'ensemble du personnel
la mise en place du comptage de l'énergie
· l'identification des « gros consommateurs »
l'établissement d'objectifs et d'indicateurs de performance énergétique (IPEs)
la définition et la mise en œuvre de plans d'actions (techniques et non techniques)
la réalisation d'audits internes
l'adaptation de la communication interne et externe
l'adaptation du système documentaire et l'enregistrement d'éléments liés à la gestion énergétique
etc.
Ce ne sont là que les éléments principaux composant la norme...
Lors de la première évaluation (avant la certification), le certificateur va s'assurer que tous ces éléments, décrits dans la norme, sont bien en place ou en gestation. L'ensemble des chapitres de la norme doivent être couverts et des plans d'actions doivent être établis pour rentrer dans la logique d'amélioration continue.
Les années suivantes, l'examen du certificateur s'attardera également sur les progrès réalisés par l'organisme : l'amélioration continue est-elle bien à l'œuvre ? Des progrès sont-ils effectifs ? Les plans d'actions sont-ils suivis ? Les écarts sont-ils corrigés ? Ce sont ces deux éléments (couverture de tous les points de la norme ET amélioration continue) qui détermineront le maintien du précieux certificat.
Planifier, Réaliser, Vérifier, Ajuster...
Cette logique d'amélioration continue s'articule sur un déroulé en quatre phases, représenté par la « roue de Deming », du nom d'un des théoriciens de cette approche. Le principe, que l'on retrouve d'ailleurs dans de nombreuses normes ISO, veut que, lorsqu'un organisme s'engage dans un processus de certification ou dans la mise en place d'un ISO 50001, il passe successivement par ces quatre étapes :
« Planifier » (« PLAN » en anglais) : c'est l'étape des constats (audit) et de l'élaboration des objectifs et des plans d'action
·« Réaliser » (« DO ») : l'organisme met en œuvre les actions identifiées lors de la première phase
« Vérifier » (CHECK ») : l'organisme audite son fonctionnement et sa mise en œuvre de la norme, elle vérifie également si les objectifs qu'elle s'est assignés sont rencontrés
« Ajuster » (« ACT » ou « ADJUST ») : la dernière phase du processus est celle où l'on fait le bilan et la synthèse du parcours de l'entreprise et où l'on ajuste les objectifs... avant de recommencer un nouveau cycle. Un élément important de cette quatrième phase est la synthèse opérée, par le management, à travers la « Revue de direction ».
La norme elle-même est articulée sur ce découpage en quatre phases. Ainsi, on retrouvera par exemple l'exigence relative à l'audit énergétique dans la partie « PLAN », tandis que l'étalonnage des appareils de mesure seront évoqués dans le « CHECK ».
Ce cycle de Deming est donc itératif et amené à se répéter d'année en année, au fur et à mesure de la progression continue de l'organisme.
Pourquoi s'engager dans un ISO 50001 ?
Que gagne une entreprise à se lancer dans la mise en place d'une politique de gestion de l'énergie à travers la norme ISO 50001 ? En réalité, les bénéfices d'une telle démarche sont multiples. Il y a bien entendu, en premier lieu, les économies d'énergie et financières qui en découlent. A la différence d'autres approches one shot, ISO 50001 modifie en profondeur le management de l'énergie au sein de l'entreprise : ces économies sont donc pérennes, voire amenées à augmenter au fur et à mesure que la gestion énergétique s'affine et que l'entreprise enregistre des progrès. Notons que, dans la plupart des cas, cette baisse de consommation énergétique se traduit mécaniquement par une diminution des émissions de CO 2 . Cet élément n'est pas anodin et peut aider l'entreprise à répondre à certaines obligations légales ou réglementaires auxquelles elle serait soumise. C'est là un bénéfice connexe de la démarche. Pour les industries wallonnes, il y a par exemple de fortes connivences entre l'approche ISO 50001 et le fonctionnement des Accords de Branche.
La certification ISO 50001 est également bénéfique en termes d'image pour l'entreprise et cet élément ne doit pas être négligé, particulièrement en Belgique où, jusqu'il y a peu, les entreprises se lançant dans la démarche faisaient figure de pionnières. L'ISO 50001 apporte clairement une plus-value au niveau de la responsabilité sociétale de l'entreprise et de la vision long terme de sa direction, et ce tant en image interne, auprès des employés, qu'en externe vis-à-vis des clients, des fournisseurs et des partenaires. On peut par ailleurs imaginer que c'est un avantage compétitif, par exemple au moment de répondre à des cahiers des charges.
Un effet bénéfique supplémentaire réside dans le projet d'entreprise que constitue l'engagement dans un ISO 50001. La norme touche en effet, à des degrés divers, l'ensemble du personnel : en cela c'est une démarche fédératrice pour tous les employés, un Graal à décrocher, au bénéfice duquel chacun, à son niveau, peut s'engager. Les retombées en termes de motivation des travailleurs peuvent être réelles. Certaines entreprises n'hésitent d'ailleurs par à coupler la prime annuelle à la performance énergétique atteinte ou au succès de la certification ISO 50001.
Enfin, dans le même ordre d'idée, il ne faut pas perdre de vue que la mise en place d'un ISO (50001 ou autre, d'ailleurs) est fortement structurante pour l'entreprise : elle permet de réfléchir à son propre fonctionnement, de rationnaliser des procédures, de systématiser un mode de gestion, bref de structurer davantage le fonctionnement de l'entreprise.
ISO 50001 : comment se lancer ?
Avant toute chose, il est important de savoir précisément dans quoi on se lance et donc de se procurer le texte de la norme (un document d'une cinquantaine de pages), disponible à l'achat, en ligne, pour une soixantaine d'euros. On veillera à se procurer, naturellement, sa dernière version (révision 2018).
Ensuite, la première chose à faire par l'entreprise désireuse de se lancer dans un ISO 50001 est sans doute de réaliser un premier inventaire de sa situation : où en est-elle en termes de management de l'énergie ? Quelle est l'étendue du chemin à parcourir pour répondre à l'ensemble des points de la norme ? Et partant de là, quelles ressources (financières, mais aussi en temps, en personnel et en mobilisation du management) est-on disposé à y consacrer ?
Après ce point préliminaire et pour peu qu'il soit décidé de poursuivre l'aventure, la seconde étape consiste à réaliser ou à actualiser l'audit énergétique de l'entreprise (ou à tout le moins de la partie qui vise la certification), en l'articulant autant que possible sur les exigences de la norme. Cette étape est cruciale car, en plus de fournir une photographie précise de l'état énergétique, elle donnera la mesure du potentiel d'amélioration, des objectifs réalistes, voire, déjà des actions qui pourraient être entreprises par la suite. C'est là une manière de s'engager fermement dans la démarche ISO 50001 en inaugurant la phase de « planification ».
Parallèlement à cet examen détaillé, l'organisme constituera son équipe de management de l'énergie, qui sera chargée de porter et d'orchestrer toute la démarche de certification par la suite. Cette tâche doit incomber à une équipe pluridisciplinaire et ne peut être du seul ressort du management ou d'un « Responsable énergie » isolé. Cette exigence du caractère « transversal » du portage de l'ISO 50001 au sein de l'organisme a d'ailleurs été renforcée dans la mouture 2018 de la norme.
Le délivrable de l'audit énergétique (que la norme nomme « Revue énergétique ») consiste en :
l'identification des cibles prioritaires et l'établissement de la « situation de référence »
l'estimation du potentiel d'amélioration
la définition d'objectifs (notamment en termes de réductions de consommation) et d'indicateurs pour les mesurer
l'établissement d'un plan d'actions détaillé
La suite du processus (et le gros du travail, finalement) consistera, on l'a dit, en la mise en œuvre de ce plan d'actions. La norme édicte toute une série d'aspects -actions techniques, mais aussi communication, sensibilisation, documentation, etc.- qui doivent impérativement être rencontrés dans le cadre de la certification. La norme est d'ailleurs flanquée, dans ses annexes, de recommandations de mise en œuvre plus détaillées.
Ce déploiement du plan d'action sera monitoré au cours de la troisième phase (« check »), puis synthétisé et ajusté (en vue du prochain cycle) dans la quatrième phase (« act »).
La certification
Lorsqu'elle est prête (c'est-à-dire lorsqu'elle a répondu à l'ensemble des points de la norme), l'entreprise peut demander à être certifiée. La certification portera, on l'a dit, sur un « domaine » et un « périmètre » spécifiques, en accord avec le certificateur.
Le certificateur, issu lui-même d'un organisme agrée pour la certification ISO 50001, proposera probablement un « audit à blanc » facultatif. Celui-ci sera une répétition « pour du faux » de l'audit de certification et permettra de prendre la mesure des points éventuellement encore problématiques, à résoudre avant l'audit officiel.
Celui-ci se déroule généralement en deux phases : un audit documentaire, au cours duquel l'auditeur va examiner en détail l'ensemble des documents produits (plans d'actions, procédures, documents preuves, attestations de formation, etc.) pour chacun des points de la norme. La seconde phase de l'audit est l'audit de terrain, au cours duquel le certificateur va rencontrer des acteurs de toutes les composantes de l'organisme, afin de mesurer la réalité de la mise en œuvre de la norme auprès des travailleurs, dans le fonctionnement effectif de l'entreprise.
L'ensemble du processus d'audit dure typiquement trois jours, mais peut être plus long pour des organismes de plus grande taille.
Au terme de l'audit, le certificateur dressera un bilan dans lequel il établira les éventuelles non-conformités, majeures ou mineures, dont le nombre et l'importance détermineront la réussite ou non du processus de certification. Celle-ci, si elle est acquise, vaut pour trois ans au cours desquels l'organisme sera soumis à deux audits annuels, dits de surveillance.
La question du coût
Dans le processus de mise en place d'un ISO 50001, les deux seuls postes de dépenses inévitables sont, d'une part, l'achat de la norme et, d'autre part, la certification par un organisme agréé. Le coût de cette dernière (quelques milliers d'euros en général) sera fonction de divers critères, notamment bien sûr la taille de l'entreprise à certifier. Pour le reste, le coût d'un ISO 50001 peut être tellement variable qu'il serait bien aventureux de l'estimer ici : il dépendra des ressources disponibles en interne, du recours ou non à un consultant et enfin du degré de maturité de l'organisme (dispose-t-il déjà d'un audit ? d'un comptage de l'énergie ? de plans d'actions ? est-il déjà engagé dans d'autres démarches qualité ?), dont découlera l'importance plus ou moins grande du travail à effectuer pour mettre en place l'ISO 50001. La question de la durée nécessaire est, on l'aura compris, tout aussi variable (de trois mois à un an) et dépendra des mêmes paramètres.
ISO 50001 en 2018
Ceux qui connaissent la mouture 2011 de la norme ne seront pas trop désorientés par la mise à jour opérée en 2018. Cela étant, ils doivent s'attendre à quelques changements notables, à commencer par la structure même de la norme. Celle-ci a été revue selon la structure « HLS » ( High Level Structure ), soit une série de définitions et de chapitres qu'elle partage désormais avec d'autres normes (14001 notamment), ce qui facilite le déploiement conjoint de ces normes (ISO 50001 peut désormais s'intégrer dans un système de management unique, dit aussi « intégré ») et évite les doublons. On y gagne donc en efficacité, mais il faut se familiariser avec ce nouveau chapitrage, peut-être un rien déroutant pour les praticiens de la version précédente. Un second aspect concerne l'engagement de la direction, sur lequel la norme insiste davantage encore que par le passé, et ce, à plusieurs endroits du texte (partie « Leadership »). La norme comprend par ailleurs quelques nouvelles entrées (exigences) de haut niveau, relatives notamment au « contexte » de l'organisme et à l'analyse des risques et opportunités liées à sa propre gestion de l'énergie. La version 2018 recèle par ailleurs toute une série de changements mineurs, notamment au niveau des définitions.
L'esprit initial de l'ISO 50001 est donc bien préservé, voire amplifié, et cette révision de la norme ambitionne de s'adresser, plus encore que par le passé, aux PME. Une belle opportunité à saisir à l'heure où, incontestablement, les enjeux énergétiques et climatiques, sont amenés à prendre de plus en plus d'importance pour notre société... et pour nos entreprises !