Ferme à l'Arbre de Lantin : un magasin bio jusque dans ses murs... en paille

24/03/2015

Pionnier dans le secteur de l'alimentation bio (débuts en 1977 !), la Ferme à l'Arbre jouit aujourd'hui d'une réputation qu'elle s'efforce de mériter chaque jour en proposant les meilleurs produits à ses clients. C'est donc tout naturellement que l'exploitant, Michel Pâque, s'est tourné vers une construction à base de paille.

Pionnier dans le secteur de l'alimentation bio (débuts en 1977 !), la Ferme à l'Arbre jouit aujourd'hui d'une réputation qu'elle s'efforce de mériter chaque jour en proposant les meilleurs produits à ses clients. C'est donc tout naturellement que l'exploitant, Michel Pâque, s'est tourné vers une construction à base de paille, un matériau on ne peut plus local, qu'il connaît bien et qui lui inspire confiance, lorsqu'il s'est avéré nécessaire de prévoir un agrandissement substantiel de son magasin devenu étroit : rançon du succès dans un secteur en plein boum. 

L'architecte choisi, Alain Richard, a réussi à convaincre la famille Pâque, pour laquelle il était important de pouvoir travailler avec des matériaux agricoles : la paille s'est assez vite imposée comme un choix évident. A cette époque, l'entreprise Paille-Tech, située à Franière, en était à ses premiers pas dans une technologie, il est vrai, plutôt éprouvée dans le monde de l'auto-construction, mais insuffisamment connue ou reconnue dans le monde de la construction traditionnelle. Les connaissances empiriques sont là, certes, mais l'entreprise fait face à des défis importants en matière d'industrialisation et de reproductibilité de ses procédés. Tout est à faire, et ce premier chantier d'envergure (350 m2 de parois) permettra à l'entreprise de mûrir les procédés et l'outillage qui leur permet de satisfaire aujourd'hui une demande croissante pour ce type de construction très naturelle.  En effet, le chantier de la Ferme à l'Arbre a nécessité pas moins de 4 mois de travail là où les machines actuellement disponibles en atelier leur permettraient de réaliser ce même chantier en l'espace de quelques semaines à peine. 

Les parois sont constituées de ballots de paille fortement comprimés et enchâssés dans un cadre de bois. Dans le cas de la ferme à l'Arbre, elles ne sont pas porteuses. Ces panneaux préfabriqués à base de paille sont donc ici uniquement des éléments de remplissage et d'habillage d'une ossature en bois. Pour la plupart des autres chantiers en paille, les panneaux préfabriqués sont autoportants.

La paille sert de support à un enduit à base d'argile issue de gisements locaux (Terre de Saint Aubain à Mettet). La composition de celui-ci fait partie d'un des secrets de fabrique et a été élaborée au cours d'un projet de recherche en partenariat avec un centre de recherche de l'Université de Mons (projet ZEROCO financé par la Région wallonne dans le cadre du programme Cwality, partenaire UCL). Ce nouvel enduit s'applique sur une épaisseur de 5 cm, sèche rapidement et sans fissure. Selon ses concepteurs, sa principale vertu est d'autoréguler l'hygrométrie du bâtiment. La masse (environ 150 kg/m2) amène aussi de l'inertie thermique, bénéfique et complémentaire aux propriétés isolantes de la paille. Il n'est pas anodin de noter que la résistance au feu d'un tel panneau, contrairement aux idées reçues, est extrêmement bonne : des tests en laboratoires ont été réalisés qui mettent en avant la résistance au feu de l'ensemble car l'enduit en argile protège la paille qui, comprimée, brûle mal. On peut à ce propos faire l'analogie avec un bottin de téléphone qui se consume peu comparé à des feuilles volantes. Le bilan d'une telle construction au point de vue CO2 est très favorable compte tenu de l'énergie grise qui est épargnée par l'utilisation de matériaux exclusivement d'origine végétale, sans cuisson, et par le très faible besoin en transports routiers des matériaux d'origine locale. 

C'est une véritable révolution dans la manière d'envisager la construction, à contresens de certains fabricants qui délocalisent à tour de bras et importent toujours plus de matériaux, de très loin parfois. Il s'agit donc ici d'une alternative originale aux matériaux plus « traditionnels », une sorte de retour aux sources, une façon de voir les choses plus localement, plus écologiquement sûrement, mais aussi avec un intérêt économique certain.

Pour en savoir plus sur la construction en paille, nous recommandons le site du projet aPROpaille (type de financement : ERable – DGO4 et DGO6 / partenaires : UCL, Ulg (GeMMe-Liège, UMC-Gembloux), ICEDD et Paille-Tech ()) : ce projet vise à l'optimisation de parois pour le bâtiment (murs, toitures, sols, ...) composées d'isolant à base de paille. Dans un sens plus large, il vise à une meilleure reconnaissance et appropriation de l'usage de la paille comme matériau isolant dans la construction. Architecture et Climat (UCL) y est notamment chargé de simuler le comportement hygrothermique dynamique des parois en paille actuellement préfabriquées et de variantes pour mieux contrôler leur effet sur les qualités de l'ambiance intérieure.

Technique (parois en paille)

Caractéristiques des parois

  • Panneaux préfabriqués incluant un cadre en bois douglas non traité, l'isolation en paille, un enduit à base d'argile en finition ; les panneaux sont ici recouverts à l'extérieur de panneaux de fibres de bois de type "Agepan" assurant un renfort du contreventement et un effet pare-pluie. Le tout est généralement recouvert d'un bardage en bois afin de rester cohérent par rapport au caractère naturel des matériaux utilisés.
  • Déclinaison en pans de toiture, murs porteurs isolés, parois intérieures, plancher extérieurs et intérieurs : seules les parois verticales sont enduites d'argile. De façon générale, le recours à l'OSB est évité afin de limiter tout risque lié aux émanations des colles ; ces panneaux utilisés dans les constructions traditionnelles sont alors remplacés par des planches en bois massif clouées côte à côte.
  • La paille dispose d'une valeur l de 0,052 W/m2.K ou 0,08 W/mK suivant que l'on se situe perpendiculairement aux fibres de paille ou parallèlement à celles-ci. Pour valoriser la valeur lambda de 0,052, il faut pouvoir démontrer l'orientation des fibres. Ces valeurs sont issues d'un agrément technique général édité par l'Institut allemand des techniques de construction (N° agrément Z-23.11-1595) et sont actuellement en cours de test dans le cadre du projet aPROpaille.
  • Les ballots de paille ont une largeur de 46 cm.
  • Résistance au feu : selon le rapport d'essai n° 26021044 du CSTB sur une paroi en paille, après 30 min d'essai, il subsiste 28 cm de paille intacte dans la façade (sur une épaisseur initiale de 36 cm), et ce pour un feu extérieur (la paille est simplement protégée par un panneau de type AGEPAN). Il ressort d'autres essais effectués que l'enduit intérieur protège la paille de façon significative.
  • Poids des parois : un peu plus de 150 kg/m2.
  • Pour les percements, par exemple, dans le cas d'une cheminée, une trémie est prévue avec une isolation ignifugée (laine minérale, vermiculite...) ; pour une ventilation traversant le mur, on opte pour un raccord classique (buse + étanchéité) : la paille n'a aucune incidence !
  • Séchage de l'enduit avant levage : 4 jours.
  • Coût estimatif : gros œuvre ouvert : de l'ordre de 500 € /m2 TVAC.

Avantages

  • Bonne inertie thermique et bonne performance d'isolation (entre U= 0,13 et 0, 11 W/m2.K selon type de ballot choisi)
  • Propriétés de régulation naturelle de l'hygrométrie (caractérisation en cours d'étude par l'UCL)
  • Empreinte carbone nulle voire négative du chantier, y compris énergie grise : la paille stocke du CO2 pendant sa croissance
  • Recours à la main d'œuvre locale
  • Recours à des ressources locales et renouvelables : paille, argile, bois.
  • 100% biodégradable ou recyclable
  • Bonne acoustique
  • Rapidité de construction (quelques jours pour monter le gros-œuvre ouvert)

Inconvénients

  • Mode de construction encore très peu répandu car victime de nombreux préjugés (liés probablement à l'image véhiculée par le monde de l'auto-construction et ses réalisations parfois de faible qualité, et peut-être aussi à celle qu'en laisse le conte "Les trois petits cochons")
  • Impossibilité de réaliser des parois enterrées au moyen de paille : la paille doit « respirer » à l'air libre. Ces constructions enterrées doivent donc être réalisées en construction traditionnelle
  • Constructions requérant une main d'œuvre expérimentée, ce qui les rend soit proportionnellement assez chères, soit très longues (en auto-construction)
  • Rendu visuel de l'enduit intérieur en argile qui, bien que pouvant être peint avec des peintures spécifiques respirantes, est souvent laissé tel quel : on peut ne pas aimer cet aspect « brut », comme on peut le rechercher.

Maison positive

On pourrait qualifier les bâtiments en paille de « maison positive », en référence à la maison passive, et aux bons niveaux d'isolation que ce principe constructif induit. Outre la possibilité d'atteindre les exigences du standard passif, les bâtiments en paille respectent plus de critères de durabilité : l'impact environnemental des matériaux est limité et leur fabrication repose sur une économie locale. En somme, c'est un changement de paradigme à évaluer dans le monde de la construction tant en tertiaire qu'en résidentiel. 

Du point de vue de la Ferme à l'Arbre, en tout cas, Michel Pâque s'estime très satisfait de la réalisation et est sensible, tout comme ses clients, à l'atmosphère douce et chaleureuse générée par les parois en paille revêtues d'argile.

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