Possibilités et limites des échangeurs
Comme il ne s'agit pas de mélanger les deux fluides, le transfert de chaleur est organisé au travers d'une paroi de séparation que l'on appelle la "surface d'échange". La principale caractéristique d'un échangeur est donc la surface de la paroi qui sépare les deux fluides et au travers de laquelle la chaleur est transférée.
Un échangeur, c'est quoi ?
Une manière très simple de concevoir un échangeur est d'enfiler une tuyauterie dans une autre. On a alors un système de tubes concentriques, comme ceci :
Dans ce cas, la surface d'échange est la surface du tube de petit diamètre limitée à la longueur qui est en contact avec les deux fluides.
La chaleur est transférée du fluide chaud vers le fluide froid en trois "étapes" :
le fluide chand "lèche" la surface externe du tube, il le chauffe par "convection";
le matériau constitutif du tube conduit la chaleur de la surface externe à la surface interne du tube : on parle de "conduction";
le fluide froid "lèche" la surface interne du tube, on dit qu'il le refroidit par "convection".
On voit qu'en réalité il n'y a pas ici une seule surface d'échange à considérer mais bien deux : la surface extérieure du tube, du côté fluide chaud et la surface intérieure du côté du fluide froid.
Jusqu'où peut-on aller ?
Supposons que le fluide chaud entre dans l'échangeur à la température T1e et que le fluide froid y entre à la température T2e. Les débits des deux fluides et la surface d'échange S étant donnés, les fluides sortent de l'échangeur aux t° T1s et T2s.
Si l'on augmente la surface d'échange par exemple en allongeant les deux tubes concentriques de la figure 1, on devine que la t° de sortie du fluide chaud T1s va se rapprocher de la t° d'entrée du fluide froid T2e et que la t° de sortie du fluide froid T2s va se rapprocher de la t° d'entrée du fluide chaud T1s. Mais jusqu'où peut-on aller dans l'allongement de l'échangeur ? Qu'est-ce-que ça apporte par exemple dans le cas de la récupération de chaleur ?
Pour répondre à ces questions, il y a d'abord une réflexion qui saute aux yeux : n'est-il pas préférable d'inverser le sens de circulation de l'un des fluides dans l'échangeur de la figure 1 ?
En effet, comme représenté à la figure 1, les fluides circulent à "co-courants" ou à "courants parallèles". Dans ce cas, si la nature et les débits des deux fluides sont identiques, alors les courbes d'évolution des t° des fluides ont l'allure suivante :
On voit que les deux fluides tendent vers une seule et même t° : 50°C dans cet exemple. On constate aussi et surtout que les premiers m² sont nettement plus efficaces que les derniers. Si on allonge l'échangeur pour qu'il passe de 9 m² à 10 m², l'effet n'est pas très significatif. Par contre l'échangeur de 2 m² et beaucoup plus efficace que celui qui ne ferait que 1 m².
Si l'on inverse le sens du courant de l'un des fluides, on obtient un échangeur à "contre-courants" ou à "courants opposés". Dans ce cas, les courbes de t° le long de la surface d'échange deviennent celles-ci :
Les débits, les t° d'entrées et la surface d'échange étant inchangées, on observe que cette fois la t° de sortie du fluide froid dépasse la t° de sortie du fluide chaud, ce qui n'est pas réalisable dans un échangeur à co-courants, même de surface infinie. On dit que l'échangeur à contre-courants est plus "efficace" que celui à co-courants de même surface. Ce gain d'efficacité résulte simplement du fait que tout le long de la surface d'échange, l'écart de température "delta t°" entre les deux fluides reste élevé (figure 3) alors qu'à co-courants, il chute fortement depuis l'entrée jusqu'à la sortie (figure 2).
On notera que si les "courbes" d'évolution des t° le long de la surface d'échange sont ici des droites, c'est en raison d'hypothèses particulières : les deux fluides sont de même nature et leurs débits sont identiques. Dès que l'une de ces deux hypothèses n'est pas vérifiée, ces droites deviennent effectivement des courbes.
Comme on voit que la t° de sortie du fluide froid peut maintenant dépasser celle de sortie du fluide chaud, on est tenté d'augmenter sensiblement la surface d'échange. Par exemple si on double celle-ci, la figure 3 devient :
Dans ce cas, la t° de sortie du fluide froid atteint 66°C alors qu'elle n'était que de 53°C précédemment.
On imagine très bien alors que si la surface d'échange tendait vers l'infini, la t° de sortie du fluide froid tendrait vers la t° d'entrée du fluide chaud et vice versa. Attention : ce n'est vrai que si les deux hypothèses évoquées ci-avant restent vérifiées. Par exemple dans le cas où le débit du fluide froid est deux fois plus grand que celui du fluide chaud, on obtient l'allure suivante :
Nous voyons alors que si la surface d'échange tend vers l'infini, la t° de sortie du fluide chaud tendra vers la t° d'entrée du fluide froid mais que le contraire ne se réalisera pas.
Ces considérations nous permettent maintenant de définir plus précisément la notion d'efficacité d'un échangeur. L'échangeur qui sert de référence pour cette définition est l'échangeur à contre-courants et de surface infinie. C'est l'échangeur qui permettra d'aller aussi loin que possible dans le transfert de chaleur du fluide chaud au fluide froid.
L'efficacité d'un échangeur est le rapport de la puissance thermique transférée dans celui-ci et la puissance thermique transférée par un échangeur à contre-courants et de surface infinie qui fonctionnerait avec les mêmes fluides, les mêmes débits et les mêmes t° d'entrée. L'efficacité est donc un nombre compris entre 0 et 1 que l'on peut aussi exprimer en %.
Par exemple, la puissance transmise dans le cas de l'échangeur à contre-courants de la figure 4 est de 1300 kW alors que la puissance du même échangeur de surface infinie serait de 1860 kW. L'efficacité du cas de la figure 4 est donc de 1300/1860 = 0.70 ou 70%.
Dans le cas de la figure 3 la puissance transmise n'était que de 1000 kW et l'efficacité était de 1000/1860 = 0.54 ou 54%.
Enfin, si l'on revient à l'échangeur à co-courants (figure 2) qui fonctionnait dans les mêmes conditions que celui de la figure 3, il transmet une puissance de 840 kW soit une efficacité de seulement 0.45 ou 45%.
Attention : la notion d'efficacité est souvent confondue avec celle de rendement. L'efficacité est la mesure de la puissance d'un échangeur par rapport à ce qu'il pourrait transmettre s'il était à contre-courants et infiniment grand. Par contre, le rendement énergétique d'un échangeur doit se comprendre comme étant le rapport entre la puissance transmise et celle qui aurait été transmise en l'absence de pertes de chaleur. Même bien isolé, un échangeur est forcément sujet à des pertes de chaleur et une partie de la chaleur du fluide chaud sert à "alimenter" ces pertes. Dans la pratique, les pertes en question sont souvent négligeables par rapport à la puissance "échangée", c'est pourquoi on considère généralement que le rendement d'un échangeur est de 100% et que l'entièreté de l'énergie cédée par le fluide chaud est emportée par le fluide froid.
Conclusion pratique : dites "efficacité" et non "rendement" lorsque que vous parlez de ce qu'un échangeur fait par rapport à ce qu'il pourrait faire idéalement (contre-courants et surface infinie).
Configurations réelles
La réalisation d'un échangeur de chaleur pose de nombreux problèmes géométriques et technologiques. Par exemple, pour obtenir une grande surface d'échange dans un petit volume et avec peu de matière, il faut diviser chacun des débits fluides dans de nombreux canaux mis en parallèle et organiser l'ensemble pour réaliser les deux entrées et les deux sorties.
Une réalisation très courante est celle de l'échangeur que les anglo-saxon appellent "shell and tubes" (littéralement "coquille et tubes") ou échangeur à faisceau tubulaire qui se présentent comme ceci :
Source : SAG
Les extrémités du faisceau tubulaire sont munies de "boîtes à eau" qui permettent d'alimenter les tubes à une extrémité et de reprendre le fluide à l'autre extrémité. La virole dans laquelle est inséré le faisceau est munie de deux tubulures, une à chaque extrémité pour l'alimentation et la collecte de l'autre fluide. Suivant la manière dont est raccordé l'échangeur on peut le faire fonctionner, au choix, à co ou contre-courants. On voit que les faisceaux situés à l'extrême gauche et à l'extrême droite de la photo sont divisés en deux. En fait, dans ce cas, les tubes sont tous en forme de U et partent et reviennent sur la même plaque tubulaire, visible à l'avant. Il n'y a alors qu'une seule boîte à eau, partagée en deux par une paroi, qui distribue et récolte le fluide qui circule dans les tubes. Dans ce cas, quelle que soit la manière dont est raccordé l'échangeur, la moitié de la longueur développée des tubes fonctionne à co-courants et l'autre moitié à contre-courants.
Types et applications
Différents classements
Il existe différents classements des échangeurs de chaleur suivant le critère utilisé. Le classement peut être envisagé en fonction :
- de la nature des deux fluides (liquides, gaz, condensation, évaporation);
- du mode de circulation des fluides (voir première partie de cet article);
- du mode de transfert de chaleur (convection, rayonnement);
- du contact direct ou non entre les deux fluides (évaporation ou condensation);
- du fait qu'il y ait ou non stockage temporaire de la chaleur (régénérateurs);
- du mode de construction (critère technologique);
l'application concernée (process ou récupération de chaleur).
Nature des fluides
La nature des fluides chauffant et chauffé ou, respectivement "primaire" et "secondaire" est en soi un critère de classification des échangeurs. On parle par exemple d'échangeurs gaz/gaz, liquide/gaz ou liquide/liquide. Plus spécifiquement on aura des échangeurs air/air, eau/air, eau/eau, etc.
Par exemple, une "batterie de chauffe" ou "aérotherme" qui sert à chauffer l'air ambiant dans un hall de stockage est un échangeur eau/air.
Lorsque l'un des fluides est évaporé ou condensé dans l'échangeur, on parle "d'évaporateurs" ou de "condenseurs".
Par exemple, sur un groupe frigorifique, l'échangeur "qui fait le froid" est celui dans lequel s'évapore le fluide frigorigène et on l'appelle communément "l'évaporateur". De l'autre côté, l'échangeur dans lequel est condensé le fluide frigorigène est le "condenseur". Très souvent, l'évaporateur refroidit l'air ambiant intérieur et il s'agit donc d'un échangeur liquide (à évaporer) /air. De même le condenseur est refroidi par exemple au moyen de l'air ambiant extérieur et est donc un échangeur gaz (à condenser) /air.
Circulation des fluides
Comme déjà expliqué dans la première partie de cet article, la circulation des deux fluides peut être organisée :
- à co-courants ou courants parallèles : dans ce cas les deux fluides parcourent la surface d'échange dans le même sens et l'écart de t° entre ceux-ci chute tout le long de la surface;
- à contre-courants ou à courants opposés : dans ce cas les deux fluides circulent en sens contraire et l'écart de t° reste important tout le long de la surface d'échange. Ce mode circulation donne des échangeurs qui, à même surface d'échange que ceux à co-courants, sont plus efficaces que ces derniers;
à courants croisés : il s'agit d'un mode intermédiaire entre la circulation à co-courants et celle à contre-courants qui s'impose souvent par lui-même en fonction des contraintes technologiques liées à l'alimentation de l'échangeur et à l'organisation matérielle de la surface d'échange et/ou de la circulation des fluides.
Il faut aussi mentionner que beaucoup d'échangeurs sont organisés de manière à permettre une circulation "multi-passes" de l'un ou des deux fluides. Dans l'exemple de configuration qui a été illustrée à la fin de la première partie, on a vu que les échangeurs "shell and tubes" sont souvent construits au moyen de tubes en forme de U ("U-tubes") de sorte que le fluide qui circule à l'intérieur des tubes fait un aller-retour par rapport au sens de circulation de l'autre fluide :
On voit sur cette photo que l'entrée et la sortie du fluide qui circule à l'intérieur des tubes se font toutes deux sur une même "boîte à eau" ou "chambre" à l'extrémité avant. Cette boîte à eau est divisée horizontalement en deux : une moitié servant à l'alimentation des tubes, l'autre moitié à la collecte. Le fluide qui circule à l'extérieur des tubes, c'est-à-dire dans la virole extérieure ou calandre ("shell") entre à une extrémité et ressort à l'autre. Ainsi, la moitié de la longueur développée des tubes fonctionne à co-courants et l'autre moitié à contre-courants. Le croquis suivant permet de mieux comprendre la circulation des fluides :
Outre ce qui vient d'être expliqué, on voit qu'en réalité la circulation du fluide côté calandre ne se fait pas le long des tubes mais plus ou moins perpendiculairement à ceux-ci. En effet l'espace de circulation est interrompu par plusieurs plaques, appelées baffles, au travers desquelles passent les tubes et qui obstruent partiellement la section de la calandre. Ainsi le fluide est forcé de contourner ces baffles pour circuler localement à courants-croisés par rapport aux tubes; ce qui intensifie l'échange par convection (plus de turbulence).
Nous voyons donc que la circulation des fluides est souvent complexe; dans le cas ci-avant :
la circulation est globalement à co-courants pour la première moitié de la longueur des tubes et est globalement à contre-courants pour la seconde moitié;
la circulation se fait localement à courants croisés.
Transfert de chaleur
Le mode de transfert de chaleur est influencé principalement par la nature des fluides et par les niveaux de t° de ceux-ci. Ainsi, dans le cas des liquides c'est la convection qui domine largement pour les transferts de chaleur entre le fluide et la surface d'échange. Par contre, pour les gaz de combustion (fumées) à la sortie d'un four à haute t° (800 ... 1000°C) le rayonnement jouera un rôle déterminant dans le transfert de la chaleur vers la surface d'échange. Par contre, l'air, même à haute t° ne transfère sa chaleur que par convection. En effet, seuls les gaz dont la molécule est au moins triatomique (CO2, H2O, NH3, ...) sont en mesure d'émettre ou d'absorber du rayonnement infrarouge de façon significative. L'air étant composé principalement d'azote (N2, 79%) et d'oxygène (O2, 21%) c'est-à-dire de molécules biatomiques, il n'émet ni n'absorbe l'infrarouge. Ce n'est que lorsqu'il est chargé de vapeur d'eau (H2O) qu'il devient émetteur-récepteur dans l'infrarouge.
La construction d'un échangeur est évidemment influencée par la possibilité d'exploiter le rayonnement thermique. En effet, le rayonnement infrarouge des gaz est directement lié à l'épaisseur de la couche gazeuse concernée en tant qu'émetteur ou récepteur ("absorbeur"). Ceci est à mettre en relation avec la visibilité en cas de brouillard qui s'exprime comme la distance maximale à laquelle on peut voir correctement. C'est donc bien l'épaisseur de brouillard entre l'objet et l'observateur qui détermine l'absorption de la lumière. Il en va de même pour le rayonnement des gaz. Les récupérateurs de chaleur qui servent au préchauffage de l'air comburant des fours à haute t° (fours de réchauffage en sidérurgie par exemple) seront donc composés de tubes relativement écartés pour disposer d'une épaisseur gazeuse suffisante entre ceux-ci. Du côté de l'air comburant qui circule à l'intérieur des tubes, seule la convection intervient et c'est la vitesse à laquelle l'air circule qui détermine pour une large part l'intensité de la convection.
Dans le cas de l'évaporation ou de la condensation d'un fluide (la vapeur d'eau, les fluides frigorigènes dont l'ammoniac NH3 et le gaz carbonique CO2, etc.) il s'agit de convection même si celle-ci prend plusieurs formes particulières suivant la densité de flux transférée : ébullition en film ou nucléée par exemple pour l'évaporation.
Contact direct
Contrairement à ce qui a été dit au début de la première partie de cet article, certaines applications impliquent une forme de "mélange" des deux fluides : le contact direct. C'est par exemple le cas d'une tour de réfrigération humide comme celles que l'on voit à proximité des centrales électriques:
et dont le principe consiste à faire "pleuvoir" l'eau de refroidissement de la centrale dans un courant d'air ascendant. Au contact de l'air, une partie de l'eau chaude s'évapore en emportant avec elle la chaleur latente d'évaporation que lui fournissent (en partie) les gouttelettes d'eau elle-même. Ainsi, l'air s'humidifie au profit du refroidissement de l'eau et c'est parce que l'air humide est plus léger que l'air sec qu'un courant ascendant s'établit naturellement au sein de la tour. Pour accroître la surface de contact entre l'air et l'eau, ces tours sont partiellement garnies d'un "corps d'échange" qui assure une bonne dispersion de l'eau et l'homogénéité de son ruissellement.
Inversement il existe des applications où l'on cherche à réduire la teneur en vapeur d'eau d'un gaz ce qui peut être réalisé par exemple en pulvérisant de l'eau froide dans un flux d'air humide. Si la t° de l'eau est inférieure à la t° de rosée de l'air humide, la vapeur d'eau contenue dans l'air se condense au contact des gouttelettes d'eau. Ce type d'échangeur est parfois garni de fils verticaux le long desquels l'eau ruisselle en film mince.
Régénérateurs
Un critère plus particulier de classification des échangeurs consiste à distinguer ceux dans lesquels est organisé le stockage temporaire de la chaleur du fluide chauffant avant de la transmettre au fluide chauffé. Une très vieille application de ce principe est celui des "cowper" de haut-fourneaux. Ceux-ci sont constitués d'un empilement de briques réfractaires au travers duquel circulent temporairement les gaz chauds sortant du haut-fourneau. Lorsque les briques atteignent une t° suffisante, les gaz chauds sont déviés vers un deuxième cowper tandis que le premier est traversé par l'air comburant qui s'échauffe au contact des briques. Après refroidissement des briques, la circulation des gaz et de l'air est à nouveau inversée et le cycle recommence, chaque haut fourneau étant muni d'au moins deux cowper, souvent trois, qui fonctionnent en permutation des rôles.
Dans ce cas, il n'y a pas de "surface d'échange" à proprement parlé mais bien une charge d'éléments qui permettent le stockage temporaire de la chaleur du fluide chauffant avant de restituer celle-ci au fluide chauffé.
Le même principe a trouvé deux applications plus récentes : les brûleurs régénératifs et l'échangeur à accumulation.
Le brûleur régénératif est un brûleur qui comporte un empilage réfractaire servant d'accumulateur de chaleur. Durant un temps déterminé, le brûleur est éteint mais les gaz de combustion sont repris dans la chambre du four pour les faire traverser l'empilage qui stocke ainsi la chaleur des fumées. Ensuite, le brûleur est rallumé et il fonctionne avec de l'air comburant préchauffé dans l'empilage. Le four est donc équipé de deux fois plus de brûleurs qu'il n'en faudrait s'il n'étaient pas régénératifs et, à tout moment, la moitié des brûleurs sont éteints et font du stockage de chaleur tandis que l'autre moitié est allumée et fonctionne à l'air chaud.
Voici un exemple de brûleurs régénératifs, dont la "virole" inférieure contient l'empilement réfractaire :
L'exemple le plus typique d'échangeur à accumulation est celui de "l'échangeur rotatif" qui est constitué d'une "roue" comportant de fins canaux et dont une moitié est traversée par le gaz chauffant et l'autre par le gaz chauffé :
Applications & constructions
La conception et la fabrication d'un échangeur de chaleur sont des processus beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît à première vue. En effet, il faut prendre en compte différents facteurs qui, comme souvent, sont contradictoires :
- optimiser et structurer la surface d'échange c'est-à-dire éviter les m² qui sont peu efficaces (voir première partie de cet article);
- réduire autant que possible l'encombrement de l'appareil (compacité);
- maximiser les coefficients de transferts thermiques (convection et rayonnement) entre chacun des fluides et la surface d'échange;
- maximiser la conduction au sein de la surface d'échange elle-même;
- minimiser les pertes de charges pour les deux fluides;
- assurer l'étanchéité des deux côtés;
- permettre la dilatation thermique différentielle de tous les composants;
- éviter l'encrassement de la surface d'échange et organiser son nettoyage éventuel;
- éviter la corrosion (choix des matériaux);
limiter la fatigue thermique éventuelle.
Pour ne donner qu'un exemple du caractère contradictoire de ces facteurs, on peut regarder de plus près la question des coefficients de transferts thermiques et celle des pertes de charge. Pour augmenter la convection entre un fluide et un tube d'échangeur, il faut avant tout augmenter la vitesse de circulation du fluide. Malheureusement, ce faisant, la perte de charge dans les tubes augmente comme le carré de la vitesse. On comprend donc facilement qu'il y a lieu de réaliser un compromis entre les deux facteurs et que ce compromis ne peut être trouvé qu'en calculant l'échangeur dans son ensemble. En effet, si la vitesse augmente, la convection augmente et l'on pourra réduire la surface d'échange en conséquence. Par ailleurs, l'augmentation de la vitesse induit une augmentation sensible de la perte de charge mais la réduction de la surface d'échange implique une réduction de la longueur des tubes et donc aussi de la perte de charge. Comme aucune de ces influences n'est simplement linéaire, seul un calcul détaillé permet de trouver l'optimum.
En pratique, l'application visée détermine largement l'orientation que prennent dès le départ la conception et la fabrication d'un échangeur. Il n'est pas possible de donner ici un inventaire des applications et des solutions existantes. Prenons plutôt quelques exemples parmi les plus courants.
Refroidissement d'eau
S'il s'agit par exemple de refroidir l'eau d'un process industriel (circuit de refroidissement d'une centrale électrique ou des chenets d'un four industriel), une manière de procéder est de placer des "aéroréfrigérants secs". Cet échangeur permet de refroidir l'eau au moyen de l'air atmosphérique, il s'agit donc d'un échangeur eau/air et il aura l'allure suivante :
La circulation de l'air atmosphérique est forcée au moyen d'une série de ventilateurs qui sont mis en route et/ou modulés en vitesse en fonction de la t° visée pour l'eau refroidie et des conditions atmosphériques.
Dans ce cas, un élément déterminant pour la conception de l'appareil est le fait que la convection entre l'air et la surface d'échange est beaucoup plus faible que celui entre l'eau et celle-ci. Raison pour laquelle la surface d'échange est alors constituée d'un faisceau de tubes ailettés par exemple comme celui-ci :
La mise en œuvre de tubes ailettés est un moyen d'augmenter artificiellement la surface d'échange du côté de l'air pour compenser la faiblesse du coefficient de convection. La hauteur des ailettes est alors optimisée pour éviter d'investir de la matière (et de l'encombrement) pour une surface d'échange peu efficace.
Ce type d'aéroréfrigérant est qualifié de "sec" par opposition aux réfrigérants dits "humides" dont un exemple est illustré à la figure 4. La différence entre ces deux versions réside dans le fait qu'un aéroréfrigérant ne permet évidemment pas de refroidir l'eau en-dessous de la t° atmosphérique (soit environ 30°C en plein été chez nous) alors que l'aéroréfrigérant humide permet théoriquement d'abaisser la t° de l'eau jusqu'à la t° dite du "bulbe humide" soit environ 24°C pour une atmosphère à 30°C et 60% d'humidité relative. Par contre le circuit d'eau d'un aéroréfrigérant humide étant ouvert et le principe de son fonctionnement étant basé sur l'évaporation d'une partie de l'eau à refroidir, il faut gérer des appoints et des purges du circuit d'eau afin de maintenir une qualité d'eau acceptable.
On notera par ailleurs que les tubes ailettés sont largement utilisés en conditionnement d'air et dans les procédés nécessitant de gros volumes d'air chaud.
Echangeur eau/eau
Beaucoup de procédés industriels nécessitent des échanges thermiques entre différents circuits d'eau. Il s'agit par exemple de découpler des circuits pour des raisons sanitaires, de sécurité ou pour récupérer la chaleur d'eau résiduelle avant de la mettre à l'égout.
Il s'agit donc d'un échangeur liquide/liquide dans lequel les coefficients de convection sont équilibrés des deux côtés de la surface d'échange.
La solution la plus populaire dans ce cas est celle de "l'échangeur à plaques" qui se présente comme ceci :
Il est constitué d'un empilement de plaques entre lesquelles circulent les deux fluides : par exemple le fluide chauffant dans les intervalles pairs et le fluide chauffé dans les intervalles impairs :
Lorsque les niveaux de pression le permettent, l'étanchéité est assurée par des joints souples et l'avantage principal de cette configuration est qu'elle est démontable; ce qui autorise un nettoyage complet et l'ajout éventuel de plaques si les conditions d'exploitation sont modifiées. Pour les niveaux de pression plus élevés, les plaques sont brasées ou soudées.
Récupération de chaleur
Un cas typique de récupération de chaleur est celui qui consiste à préchauffer l'air comburant d'un four au moyen de ses propres fumées. Un four dont les fumées sortent par exemple à 900°C, a un rendement de combustion de 56% à l'air froid et de près de 71% à l'air chaud (400°C). Le gain sur la consommation s'élève alors à 100 x (1 - 56/71) soit plus de 21%. L'échangeur qui permet de récupérer une partie de la chaleur des fumées pour réchauffer l'air comburant est un échangeur fumées/air. Il est constitué principalement d'un faisceau tubulaire dont la géométrie et les matériaux sont déterminés principalement par les problématiques de dilatation thermique différentielle, de corrosion et de fatigue thermique :
Cette photo montre deux éléments de récupérateur couchés sur le flanc gauche et composés chacun de deux faisceaux tubulaires :
un premier faisceau, cintré, qui est situé du côté de l'arrivée des fumées chaudes;
un second faisceau, rectiligne, qui est situé du côté de la sortie des fumées.
L'air froid est poussé par le ventilateur d'air comburant dans le haut du faisceau droit, descend jusque dans la "boîte à air" qui fait office de coude à 180° et remonte dans le faisceau cintré. L'échangeur est donc multi-passes puisque l'air circule deux fois dans le flux de fumées et ces deux passes sont à courants-croisés.
L'échangeur étant "plongé" verticalement dans le carnaux de fumées, la boîte à air inférieure est libre de monter et descendre en suivant les allongements liés à la dilatation thermique des faisceaux tubulaires. De plus, vu que les deux faisceaux ne seront jamais aux mêmes t° moyennes, le faisceau "avant" (côté fumées chaudes) est cintré pour permettre une légère flexion des tubes qui poussent sur la boîte à air (principe de la lyre de dilatation).
Enfin on observe une différence de teinte des tubes : d'une part ceux du faisceau cintré et les deux premiers rangs du faisceau droit et, d'autre part, tous les autres rangs du faisceau droit. Cette différence résulte des nuances d'aciers dont sont constitués les tubes. Côté fumées chaudes (800 ... 1000°C), l'oxydation et la fatigue thermique sont évidemment beaucoup plus fortes qu'à la sortie des fumées. On y utilise donc un alliage plus noble, typiquement une haute teneur en chrome, pour obtenir une meilleure résistance à l'oxydation. On notera que la durée de vie d'un récupérateur de ce type est fortement liée au choix des alliages (et donc au prix à payer) et aux fluctuations de la t° des fumées elles-mêmes liées aux modifications de cadences du four.